Raymond Desrosiers
commentaires
La recherche de ce temps perdu
Je viens de terminer la lecture de « LA Recherche ».
Ce que j’ai aimé ? Ce que la plupart des lecteurs qui s’y sont aventurés reprochent à Proust : sa très grande capacité d’analyse de l’humain, son sens très pointu de l’observation, son hyper-sensibilité et son talent pour décortiquer et détecter l’infiniment petit ; sa belle poésie aussi ; ses « comme si… » qui nous transportent dans des ailleurs qu’on ne s’est jamais donné la peine d’explorer, d’entrer par effraction.
Il faut être très concentré pour lire « La recherche » ; ça m’a demandé un effort soutenu mais, quel éloge à la langue française, quelle maîtrise, quelle apologie. Pourquoi l’avoir lue ? Au départ, c’était un défi personnel, sachant que plusieurs s’y sont découragés. Mais surtout parce que La Recherche est citée dans presque toutes les lectures qui m’intéressent. Idem pour « Les 1,000 et une nuits » dont j’ai débuté la lecture.
Du temps ! Ce qu’on en a perdu du temps dans nos premières années de vie ! Mais, est-ce vraiment du temps perdu puisque, parvenu à cette saison de la vie où se reposer n’est plus une faute, c’est justement de ces moments-là dont on se souvient le plus, comme une caresse de maman qui effleure notre visage et nous « autorise » ce sommeil qu’on croyait ne plus pouvoir retrouver. C’est ce même temps qui, en dormance dans le labyrinthe de notre mémoire, émerge, tel un 6e umami, nous tire le coin des lèvres, nous réconforte, vient surligner le chemin qu’on a parcouru qui semblait inépuisable, ce temps qu’on ne peut freiner et qui s’emballe avec les années.
Ce qu’on peut fuir, désirer, craindre, s’imaginer, se tromper, espérer, douter dans une vie ! Ce qu’on en passe de temps à revivre des bonheurs et des chagrins qu’on a traversés ; à les réarranger à notre convenance. Faire fausse route mais persister, passer à côté de minuscules bonheurs qu’on n’a pas su détecter, qu’on a piétinés, se disant qu’ils n’en valaient pas la peine ; pour finalement, en se retournant, les apercevoir au loin qui nous crient après, se rient de nous, se bidonnent de notre pathétique myopie, de notre urgence à vivre, de notre insatiable avidité.
Ce temps qui nous laisse pantois, file à vitesse grand « V », donne et reprend tout. Ce temps qu’on voudrait pouvoir remodeler , enrichi par les leçons qu’on en a tirées et des gens qui nous ont fait grandir ; de ces autres dont on aurait souhaité s’instruire ; sans oublier ces quelques uns dont on aurait très bien pu se passer…
Est-ce que ça existe vraiment du temps perdu ? Ces « oui, mais / c’est parce qu’il fallait que je / j’aurais bien aimé ça mais / j’étais ailleurs / il fallait que j’aille / si seulement / j’aurais dû / », toutes ces excuses pour nous justifier de n’avoir pas pris notre temps. Qu’est-il advenu de ce temps qu’on n’a pas pris le temps de prendre ? Peut-on se le faire rembourser, se le faire créditer au moins ?
« Einmal ist keinmal » : ne pouvoir vivre qu’une seule vie, c’est comme ne pas vivre du tout !
Une deuxième vie … vraiment…….. ?
rd
Comments are closed.